Rendez vous

Les bas fond de Moguarëth, ces endroits miteux où les pires canailles peuvent être rencontrées. Les crimes les plus odieux y sont commis. Vols, meurtres, viols et autres délits qu'Alucard aurait bien punis s'il était là pour ça. Mais avec la tonne de travail qu'il avait l'habitude de recevoir, il avait appris à profiter de la liberté, et du plaisir que l'on pouvait éprouver lorsque notre conduite n'était pas dictée. Bien qu'il soit remarquable à des lieues pour son accoutrement, il se mêlait à la foule pour passer un peu plus inaperçu. Il avait rendez-vous avez cette Pazuzu, la déesse du Mal. Elle l'intriguait beaucoup pour qu'une personne de son rang lui donne pour lieu de rencontre cette lugubre taverne arborant fièrement un écriteau portant son nom "Au Rat d'Egout Lubrique " . Mais il n'était pas là pour critiquer les goûts de certains, et pénétra dans ce lieu sale et sombre pour s'asseoir en face de la perosnne qui l'attendait.

" Je dois vous remercier, cela fait bien longtemps que je n'avais pas vu autant de monde. "

Pazuzu avait fait vite. Quitter la forêt du lac pour revenir au Palais, déposer et surtout rassurer les magistrats qui n'avaient pas du tout confiance en Alucard, puis se trouver un accoutrement assez passe-partout pour éviter de se faire repérer.
La Reine du Mal fit enfiler à Berzerker de rustres peau de bètes pour le camoufler un peu plus et lui donner un air sauvageon et brutal. Pazuzu se para d'un grand manteau rongé par les mites, terminé par une capuche qu'elle se mit sur la tête. Elle enfila également un masque de démon cornu pour cacher son visage et surtout ses tatouages qui luisaient beaucoup trop pour paraitre n'ètre qu'une simple trainée des bas-fonds.

Au Rat d'Egout Lubrique, c'était là où elle et sa chimère avaient mis le cap. Ils firent un bain de foule et leur petit stratagème marcha à merveille. Personne ne pouvait la reconnaitre et sa chimère avait plus des allures de troll qu'autre chose. Pazuzu lui avait ordonné de se tenir debout, de marcher avec un air patibulaire et surtout de grogner sur tout ce qui bougeait. Ils n'y verraient que du feu.

Enfin dans l'estaminet, l'étrange couple s'installa sur une table un peu en retrait, juste éclairée d'une bougie. Pazuzu attendit alors la venue d'Alucard, qui ne se fit pas attendre. Ce dernier remercia la Reine de le faire sortir ainsi et voir du monde:
"Bien que je sais que ce ne soit pas un endroit des plus calmes....Pardonnez mon accoutrement."

Un barman orque les accosta pour prendre leur commande. Pazuzu ordonna deux pintes de lait de dragon, pour elle-même et Berzerker.
"Bon...Je connais les plans de Ryu. Il est venu à moi lors d'une réunion. Il n'était pas sous une forme bien matérielle mais il était là... Il..compte sur moi pour traquer les chimères légendaires du Mal, dont la capture serait la clé du retour de Ryu. Chose que je ne souhaite pas. Cependant j'ai pas mal de problèmes...D'une part je suis en manque de moyens. Et le pire de tout c'est que mon propre majordome est contre ma volonté."

" Je vois, les Chimères sont donc son objectif. Il a l'air d'être plus prévoyant qu'autrefois. "

Alucard se sentait revivre. Se cacher, murmurer, conspirer: ce n'étaient pas les choses les plus joyeuses que ferait un mortel, mais il les ferait, et Alucard était un des seuls à ne pas avoir fait cela dans sa vie, il décida de les faire pour cette fois. L'orc vint à leur rencontre pour savoir ce qu'ils désiraient. Cette petite résurrection était à son paroxysme et Alucard était très content. Un mort n'a pas besoin de manger, ni de boire. Il en avait presque perdu le goût. Il commanda alors à l'être verdatre une boisson au gigembre. D'autant qu'il s'en souvienne, c'était sa boisson favorite lorsqu'il était vivant.

" Mais avant d'aller plus loin, clarifions quelques points vous voulez bien? Si je peux vous aider à me débarasser des derniers partisans de Ryu, je le ferai avec plaisir. Mais même votre joli minois ne m'arrachera à la neutralité. Je suis contre Ryu, c'est tout. "

Le barman déposa leur commande sans trop de douceur sur la table puis s'en alla.
Mais même si cet Alucard était contre Ryu, il n'avait pas l'air autant motivé à combattre, ce qui fit froncer les yeux de Pazuzu. La Reine poursuivit:
" ...ça ne vous chamboule pas plus que ça de le revoir réapparaitre on dirait. S'il revient, il ne fera pas de survivants et quoi qu'il arrive il sera au courant de ma trahison et me tuera. J'ai bien fait comprendre à mon majordome que je ne rejoindrais pas les rangs. Mais lui tout seul, je crains qu'il se soit mis en quète des plus fervants partisans de Ryu à revenir au Palais. Je ne suis pas assez expérimentée mais je sais que je dois détruire ces chimères pour empécher son retour. L'ennui c'est que même mon majordome arrive à me dominer. C'est pour ça que j'ai créer Berzerker. Je tiens à m'entourer des personnes les plus fortes moi aussi. Cependant...Je ne tiens pas à m'allier avec des gens du Bien pour détruire Ryu. C'est une guerre du Mal contre un autre Mal....Je pensai également à rallier Oosenzai à ma cause. Vous qui avez connu Ryu, vous devriez bien connaître ce dragon non? Est-il si indomptable qu'on le dit?"

" Mes excuses, chère reine, je me suis sans doute mal exprimé. "

En effet, à en juger la réaction de Pazuzu, il avait peut être mal choisit ses mots. Elle semblait avoir compris que malgré tout le danger que représente une éventuelle résurrection de Ryu, Alucard resterait passif. Il allait tenter de s'expliquer lorsque l'employé orc leur apporta leurs boissons. Mais il avait bien remarqué quelque chose dans la réponse de Pazuzu qu'il n'oserait pas lui faire remarquer, mais tenit tout de même compte d'un point essentiel. A en juger ses dires, elle avait besoin d'Alucard. Son inquiétude par rapport au châtiment que lui ferait subir l'ancien Dieu du Mal le dénotait bien; mais Alucard mis cette logique de côté pour porter son verre à ses lèvres et poursuivre sa déclaration.

" Soyez rassurée, j'ai l'intention de mettre un terme aux agissements des derniers partisans de Ryu, et je vous aiderai. Mais quand j'ai dit que je souhaitait demeurer neutre, c'était au sujet des évènements qui suivraient. Lorsque Ryu fera définitivement partie de l'histoire ancienne, je ne m'engagerai dans aucun côté car ma position l'oblige. "

Puis la jeune reine évoqua un nom bien étrange: Oosenzai. Oosenzai... C'était ce dragon-serpent issu de la folie d'anciens démons de métal, avides de connaissance, qui en créant ce monstre, furent menés à leur propre perte.

" Oosenzai... A vrai dire, je ne l'ai jamais vu. Je n'ai pas vécu à son époque, mais l'un de mes ancêtres m'en parlait autrefois. De ce que j'en sais, c'est un être à la puissance immesurable qui ne se courbe devant personne. En effet, il est la plus indomptable des créatures, enfin, il était. Il est mort bien avant ma naissance, peut être un siècle avant. Cependant, je sais que malgré sa férocité il possède l'âme et la fierté du guerrier. Mon ancêtre disait de lui qu'il avait beaucoup de respect pour les méritants. Il savait reconnaître la grandeur d'un héros. Mais bon, tout cela n'est qu'histoire ancienne, et bien qu'il soit possible de la rappeler, ce serait risqué, on ne sait pas à quoi s'attendre avec un tel être. "

Pazuzu porta sa boisson à ses lèvres, écoutant les dires d'Alucard. Berzerker n'était pas tout aussi attentif et se concentrait plutôt à finir sa chope de lait. Alucard allait donc participer à l'arrestation des derniers partisans. C'était déjà une bonne chose. Si les partisans étaient hors d'état de nuire et que les chimères n'étaient donc pas réunies, Ryu ne reviendrait pas.
"Je comprends que vous souhaitiez disparaitre après ça....Si on y arrive tout du moins...Cependant Ryu a les moyens de réapparaitre de temps à autre et il faut empécher cela. Je ne sais pas encore par quel sortilège il arrive à sortir de son coma pour venir se matérialiser quelques minutes. Quant à Oosenzai...L'on dit qu'à son réveil, il détruira la première ville venue."

Elle marqua un temps d'arrêt, réfléchissant bien à ce qu'elle allait dire et engendrer comme conséquences. Puis elle fit à mis voix, inclinant la tête, pour que personne ne l'entende à par Alucard:
"L'énergie de Ryu réside dans l'île. Elle bouge grâce à lui. Si Oosenzai détruit l'île, il détruira la source des pouvoirs de Ryu avec elle."

Oh quelle surprise, Pazuzu avait carrément le projet de réduire tout Moguareth à néant.
"Le peuple qui a engendré Oosenzai...Vivait sur des terres étendues, encore plus grandes que Moguareth...Le souffle de ce dragon suffira à la rayer de la carte."

" Qu'Oosenzai se mette en furie dès son réveil ne m'enchante guère, cela pourrait avoir des conséquences désastreuses. "

En effet, Alucard n'avait pas tort. L'idée de réveiller un monstre qui à sa création n'a pas prévenu pour rayer de la carte un peuple qui à son époque régnait parmi les plus forts rendait Alucard fort perplexe. Bien qu'il détenait une force que certains mortels ne pouvaient même pas envisager, Alucard ne savait pas s'il pourra être capable de contenir une bête aussi féroce.

" Détruire Moguareth est une idée constructive, mais un problème se pose. Qu'est-ce qui peut nous garantir qu'Oosenzai nous obéira docilement? "

"Je ne cherche pas à le maitriser...Il faudrait que Moguareth passe non loin du lac quand ça se passera. Mais pour la suite...J'avoue que je n'y ai pas encore réfléchi. Peut-ètre Oosenzai ne sera pas aussi fort que la première fois comme on le dit. Il y a toujours moyen d'abréger l'invocation ce qui aurait pour effet de détruire Oosenzai par la même occasion, après qu'il ait détruit l'île.
Mais s'il détruit les terres du Bien en même temps, alors j'aurai fait une pierre deux coups. J'en ai la vision d'un monde apocalyptique, rongé par les flammes. Je sais les risques que j'encourt mais il n'y a pas de bètes assez puissantes pour détruire une île en un souffle.
Mais bon...Ce n'est qu'une idée et encore moins un projet...Si vous avez vous même une autre solution...dites je suis preneuse."

Mais il ne suffisait pas d'avoir des idées, encore fallait t'il les appliquer et encore une fois...à temps. Car si son majordome avait déjà commencé sa quète des partisans, alors il avait une certaine avance sur Pazuzu.
"Si par malheur, Ryu était de retour...Il n'en serait pas moins immortel non? Je ne peux pas imaginer à quel point il est fort, et je n'aurai pas le temps de m'entrainer pour égaler sa puissance."
Berzerker eu pour une fois, envie à étaler ses idées:
"J'ai entendu dire, par les serviteurs du palais...Qu'il y avait une salle, que possédait l'Ecole de Garami, qui permettait de s'entrainer un an à l'intérieur, alors que ne s'écoule qu'une journée à l'extérieur..."
Ce genre de salle aurait pu s'avérer fort utile en effet...Mais oui...Elle était dans l'école.

Alucard écouta attentivement ce que Pazuzu avait à dire. Dans l'idée il n'y avait rien à redire, et tout ceci était on ne peut plus clair. Invoquer Oosenzai, le laisser détruire Moguareth, et mettre fin à l'invocation. Cependant quelques contraintes se posaient. L'invocation n'était pas une pratique facile, encore moins s'il s'agissait de ramener dans ce monde un Titan tel qu'Oosenzai, et en plus pour écourter son séjour en ce monde. Avorter une invocation était très difficile, car il fallait maintenir l'énergie utilisée pour l'invocation à un niveau constant pour rompre subitement le lien qui unit invoqueur et invoqué, et cela était très éprouvant dans les deux étapes. La quantité d'énergie sollicitée était inimaginable pour quelqu'un comme Pazuzu. Ensuite, la rupture du lien était très éprouvante pour l'invoqueur et pouvait conduire à la mort, car ce n'était qu'à cet instant que toute l'énergie utilisée nous quittait vraiment.

" Désolé, mais je pense qu'il s'agit d'une très mauvaise idée. Rompre une invocation est probablement la pratique la plus dangereuse de toutes les arcanes. Cela requiert un énorme stock d'énergie. Et puis, l'idée de cette salle que je connais n'est pas bête, loin de là. Mais un calcul est nécessaire. Je dois atteindre à peu près un millénaire et demi, pourtant je n'égale pas Ryu en combat singulier. Si vous souhaitiez l'égaler, il vous faudrait près de deux millénaires. Passés dans cette chambre, les deux millénaires seraient deux mille jours, ce qui équivaudrait à cinq ans et quatre mois. De mon point de vue, ce n'est rien, mais je doute que Ryu puisse patienter jusque là. "

Berzerker hochait la tête aux propos d'Alucard. Il était du même avis. Rompre l'invocation d'une créature du calibre d'Oosenzai était du suicide pur et simple. Non seulement Pazuzu pourrait mourir, mais en plus elle pourrait tout aussi bien succomber sans pour autant détruire le dragon. Pazuzu avoua qu'elle avait les yeux plus gros que le ventre, mais qu'il ne fallait pas la blâmer car au moins, elle proposait des choses.
"Oui, vous avez raison...Je suis trop pressée, trop impatiente de pouvoir rayer Ryu de ce monde. Il m'a humilié publiquement et me fait vivre dans un état de terreur et de frustration. Mon majordome me tourne le dos, la seule personne en qui j'avais vraiment confiance...Il suivra Ryu quoiqu'il arrive. Quant à cette histoire de salle...j'ignore si cela est une bonne idée ou non. Il me semble impossible, à mon sens, de réunir les chimères en 5 mois mais...s'entrainer ainsi jour et nuit...Je ne sais pas si mon corps pourrait tenir. De plus, ce n'est pas tout de s'entrainer mais je ne dois pas quitter mon trône aussi longtemps!"

Elle soupira, un peu abattue, certes.
"Le Duc de Rechku va m'envoyer une de ses chimères. Il faut que je voie de ce qu'il en retourne. Apparement, c'est un bon élément. Il me faudrait aussi me constituer une armée privée pour assurer mes arrières et surprendre l'ennemi. Mais à part quelques suiveurs, j'ai très peu de partisans...Une si jeune Reine au pouvoir...dans leur esprit, ça n'est que futilité. Ils attendent Ryu, ils n'ont pas confiance en moi."